Jean Taussat

On sait qu’Hergé s’inspirait régulièrement de sa vie et de ce qui l’entourait. Voici la petite histoire de la vignette ci-dessous.
23 octobre 1962. Le jeune Jean Taussat, écrit une lettre à Hergé sous le pseudonyme de Jean Tauré de Bessat (parce qu’il avait déjà obtenu un dessin dédicacé sous son vrai nom). Il lui écrit que ses héros sont devenus pour lui de véritables amis avec lesquels il converse, qu’il retrouve en lui comme il se retrouve en eux. « Vos personnages ont une vie propre. Ils agissent selon leurs caractères, leurs penchants… Ils ont atteint une telle réalité qu’ils SONT, en tant que tels et non plus par vous, mais grâce à vous. Je voudrais vous demander une faveur. Certes, j’en sens la présomption, mais ce serait si formidable… » Et il lui demande s’il était possible de le représenter dans sa prochaine histoire, dans le rôle de son choix, serrant la main du capitaine Haddock. « Je me permets de vous envoyer quelques photos… Ce serait si extraordinaire… Je vivrais encore plus intensément dans ce monde inaccessible au vulgaire, au mal ».

Ému par cette lettre, Hergé accepte et lui répond le 6 novembre : « Heureusement pour vous (et heureusement pour moi), le vœux de figurer dans un de mes albums n’est pas du tout courant. D’autres que vous, sans doute, seraient enchantés de serrer la main du capitaine, mais ils n’ont pas assez de spontanéité, de simplicité et d’enthousiasme pour solliciter une « faveur » de ce genre. J’ai l’intention de vous l’accorder, lorsque l’occasion s’en présentera. »
Il ajoute qu’il devra toutefois patienter « un an, deux ans, peut-être davantage », et qu’il devra garder le secret sur ce privilège.

En 1968, Hergé honore sa promesse à la fin de l’album « Vol 714 pour Sydney ». Il représente Jean Taussat en journaliste serrant la main du célèbre capitaine. Il renvoie à nouveau une lettre à Jean Taussat pour lui faire part de sa promesse tenue, mais il n’obtiendra aucune réponse. Et pour cause, car en novembre 1965, à l’âge de 22 ans, Jean Taussat est mort accidentellement en nettoyant une arme de collection.
Hergé n’a jamais rien su de cette mort tragique, et du fait que la faveur accordée était malheureusement posthume…

5 réflexions au sujet de « Jean Taussat »

  1. Cette histoire est celle de mon frère Jean, plus âgé de 6 ans que moi.Il habitait à cette époque, chez notre grand-mère à Talence (il suivait des études d’astronomie à Bordeaux) Il m’a fallu attendre la fin des années 90 pour connaître l’ensemble de l’histoire, et surtout connaître le dessin qui lui était consacré. Je connaissais l’existence de la réponse positive de Hergé, mais la disparition de mon frère en 1965 avait effacé momentanément ce souvenir. Beaucoup plus tard, ne connaissant pas la photo envoyée par mon frère, je cherchais un personnage portant une barbe telle que celle que mon frère a porté peu de temps avant son décès. Grace à MM. Assouline via sa biographie de Hergé, et Goddin par ses courriers diligents et sa compétence du monde de Hergé, tout est clair aujourd’hui.

  2. Merci infiniment pour votre message et ces compléments d’information. J’imagine que cela n’a pas été facile de remettre tous les éléments dans l’ordre pour avoir le fin mot de l’histoire.
    Belle et triste histoire, émouvante…
    C’est un honneur et un bonheur d’avoir son frère dans une vignette d’Hergé ! Rare, donc précieux hommage.

  3. C’est une triste mais belle histoire. Votre frère aura eu cet hommage à titre posthume mais désormais il est ancré pour l’éternité dans l’univers de Tintin. C’est un hommage, un bel hommage et j’espère qu’il vous réchauffe le coeur…

  4. Bonjour

    Une émouvante histoire et tragique à la fois… vous pouvez être fière d avoir eu un frère ayant eu des sentiments aussi noble pour la famille BD d Hergé.
    Sur la disparition de votre frère, en fait j ai deux versions, soit il est décédé en manipulant une arme soit il s est donné la mort, à lire l article de la revue Le point en date du 6 octobre 2011 !!!! Page 104.
    Moi qui suis Tintinophile, pouvez vous me donner un éclairage sur la vérité.
    En vous remerciant humblement.
    Christophe Dormael.

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