Aloïse Corbaz

Mai 22, 2010 | Art | 6 commentaires

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Photographie Dr A.Bader

Plus connue sous son prénom d’Aloïse, cette femme là m’a beaucoup inspiré, et la vue de ses dessins au musée d’art Brut de Lausanne a été pour moi un immense choc. Fermée dans son monde et pourtant… Tant de liberté dans son trait, dans les histoires qu’elle tirait de ses rêves et de ses fantasmes, les couleurs vives, la grandeur de ses dessins en immenses rouleaux déployés…
Séraphine de Senlis a été mise en lumière il y a 2 ans grace au film de Martin Provost, quelqu’un s’occuperait-il à présent d’Aloïse Corbaz pour la faire connaitre à un plus grand nombre, ou faut-il qu’elle reste encore dans l’obscurité ?

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Son histoire en quelques lignes…

Aloïse Corbaz (1886-1964) naît en Suisse.
Elle a onze ans lorsque sa mère meurt. Bachelière en 1906, elle vit une brève passion avec un étudiant mais sa sœur y met fin violemment.
Elle chante et rêve de devenir cantatrice. En 1911, elle s’installe en Allemagne, travaille comme institutrice, puis comme gouvernante du chapelain de Guillaume II à Potsdam dans le château de Sans-Souci. C’est dans cette atmosphère de cour qu’elle commence à vouer une passion amoureuse, imaginaire et délirante pour l’empereur.
Elle a vingt-sept ans quand apparaissent ses premiers troubles psychiques. D’abord hospitalisée en 1918 à l’asile de Cery-sur-Lausanne, elle sera pensionnaire de celui de la Rosière de 1920 jusqu’à sa mort. Durant les premières années de son internement, Aloïse s’enferme dans un total isolement avec des accès de violence occasionnels, puis elle s’adapte progressivement à la vie hospitalière. Vers 1920, elle commence à écrire et à dessiner en cachette, mais sa production est presque intégralement détruite.
Elle a maintenant 50 ans et c’est seulement à partir de cette année 1936 que le Professeur Hans Steck, directeur de l’hôpital, et le Docteur Jacqueline Porret-Forel, son médecin généraliste, commencent à s’intéresser à son œuvre et la fait connaitre à Jean Dubuffet. Elle sera l’une des artistes majeures de la Collection de l’art brut fondée par l’artiste.
Aloïse dessine le plus souvent avec des crayons de couleur et des craies grasses, mais aussi avec ce qu’elle a sous la main, du suc de pétales de fleurs ou de feuilles, du dentifrice… Elle colle parfois dans ses œuvres des coupures de journaux, des papiers d’emballage de chocolats, des chromos. Son support préféré reste le papier kraft des colis qu’elle récupère et dont elle utilise le recto et le verso. Pour obtenir de plus grands formats, elle coud entre elles les feuilles de papier avec des fils de laine ou de coton.  Certains atteignent plus de dix mètres !
Elle vit en rupture avec le “monde naturel ancien d’autrefois”, mais devient la grande ordonnatrice d’un univers codifié et voluptueux, peuplé de fleurs, d’animaux, de grands Opéras, de rois et de reines dans des arènes, de princes charmants et de princesses alanguies dans un théâtre d’Amour, de gâteaux d’anniversaire à étages, de légendaires histoires d’amour… Une chanteuse d’opéra fait la cour à un empereur, une façon pour elle de se représenter dans une vie espérée, d’écrire ses rêves et de les voir en images.
Une galerie de portraits, à la fois somptueuse et imaginaire qui témoigne d’un amour impossible. Oui, on peut se noyer dans ces regards bleus, aussi grands que l’immensité des mers. La grandeur de l’oubli…

A lire :  » Aloïse et le théatre de l’univers », par Jacqueline Porret-Forel, SKIRA 1993

A voir :  » Sans souci, l’art d’Aloïse », un  documentaire de Muriel Edelstein (52mn, Long par Court production)

Adaptation pour le cinéma de la vie d’Aloïse Corbaz, « Aloïse », de Liliane de Kermadec (co-écrit avec André Téchiné) datant de 1975, avec dans le rôle titre deux actrices, Isabelle Huppert qui y joue Aloïse adolescente, puis Delphine Seyrig Aloïse adulte.

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6 Commentaires

  1. LAFABE

    Je suis et je resterai éternellement en amour devant la travail si bouleversant d’Aloïse !!!

    Ses dessins sont remplis d’une force incroyable. De les voir en vrai, oui, c’est un réel choc. Ils dégagent une telle puissance créatrice, un si grand souffle de liberté, des émotions si fortes, des émotions passionnées, des émotions blessées,… la vie.

    MERCI POUR CE TRÈS BEL ARTICLE À SON SUJET !

    Une inconditionnelle. Tellement.

  2. Françoise

    Il y a dans cette oeuvre tellement de rires d’enfance, de chagrins d’infortunée amante et de sensualité que « bouleversant » me semble être le qualificatif qui convient. A l’image de cette vie de femme et d’artiste.
    Un peu comme une Alice au pays des merveilles dont l’imaginaire est la source … une enfant perdue et retrouvée à la fois, un rêve coloré, mille couleurs pour mille épines …

    Merci du partage

    F.

  3. Johanna

    Salut ! J’adore moi même Aloïse et j’ai vraiment aimé découvrir cette artiste au Musée de l’Art Brut à Lausanne, tout comme toi.
    Je dois rendre bientôt un dossier sur elle pour un cours, et je voulais savoir par hasard si tu n’avais pas la date de cette photographie d’elle ? Je pense que tu l’aurais mise sinon mais voilà, sinon au passage, j’aime aussi ton article mais je t’avouerai que je ne comprends pas ceci:

    « Aloïse s’enferme dans un total isolement avec des accès de violence occasionnels, puis elle s’adapte progressivement à la vie hospitalière. Vers 1920, elle commence à écrire et à dessiner en cachette, mais sa production est presque intégralement détruite. »
    Aurai tu des liens à me montrer 😉 ?

    Merci d’avance si tu le peux et veux !

  4. Christophe Renoux

    Johanna, après recherche je n’ai pas trouvé pas la date de cette photo. Elle se trouve dans le fac similé du plus ancien cahier d’Aloïse, datant de 1941.
    J’ai lu beaucoup de choses sur elle et en ce qui concerne ces informations de mon post, je pense que ce doit être écrit dans le livre « Aloïse et le théâtre de l’univers ».
    En effet, elle supporte difficilement les moments où elle est lucide et elle écrira à sa famille “Ici, on nous éteint le plus possible”. Jusqu’à la fin des années 1930, la plupart de ses œuvres sont détruites par le personnel de l’hôpital. La première personne à s’intéresser à elle fut Hans Steck, médecin-psychiatre (directeur de l’hôpital) qui conservera ses dessins et ses écrits. Jacqueline Porret-Forrel, médecin généraliste, se liera d’amitié avec Aloïse à partir de 1941, puis Bernard Buffet mettra enfin en lumière son fabuleux travail.
    Avec ce complément d’information, j’espère avoir répondu à vos questions.

  5. Johanna

    Merci beaucoup de ta réponse ! Elle m’est très utile pour quelques mises au point dans mon travail, Je vais aussi me mettre à la recherche de plusieurs de ouvrages sur elle comme « la voleuse de mappemonde », il m’a l’air bien.

    Encore merci !

  6. sirena

    Aloïse merci.

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